
Je suis un praticien et non un théoricien,
c'est à dire que j'accorde la plus haute importance à l'application
et à son efficacité.
Toute théorie, aussi intéressante
soit-elle, n'a de valeur que dans la mesure où elle débouche
sur une pratique probante.
En l'absence de résultat, je remets
en cause la théorie. Il faut, bien sûr, avoir pratiqué pendant
un temps suffisant et s'être assuré de suivre rigoureusement
la méthode d'application.
Il n'y a aucun risque à changer sa
façon de faire quand celle-ci n'obtient pas assez de résultats
effectifs chez l'enfant.
Certains enseignants se remettent
toujours en cause, d'autres jamais. Il existe un juste milieu
à l'intérieur duquel chacun peut progresser.
J'ai toujours eu la chance de pouvoir
me mettre à la place de l'élève ainsi que de me souvenir
de mon vécu d'écolier, de collégien, de lycéen puis d'étudiant.
L'enseignant et l'élève ont des
droits et des devoirs.
L'enseignant a le droit d'aider
plus un élève qu'un autre tant que cela ne se fait pas au
détriment de la classe. Il a le devoir de s'occuper d'abord
de ceux qui veulent travailler.
L'élève a le droit de ne pas avoir
envie d'apprendre, mais il a le devoir de ne pas déranger
ceux qui veulent travailler.
Je n'impose aucun apprentissage,
je fais le maximun pour éveiller l'intérêt de l'enfant,
mais je ne sacrifie pas la classe au profit d'un élève,
la majorité travailleuse au profit d'une minorité. Je n'ai
jamais toléré qu'un individu m'empêche d'accomplir ma tâche.
Cela est plus facile à dire qu'à faire, mais à ce jour,
j'y suis toujours arrivé.
Je n'accepterai jamais qu'un élève
ou que des élèves empêchent leurs camarades de travailler.
Bien que je puisse parfaitement comprendre qu'un individu
n'ait pas envie d'apprendre quelque chose, ce qui est son
droit le plus légitime, je suis en total désaccord avec
celui ou ceux qui perturbent gravement la classe. Le droit
de ne rien faire ne donne en aucun cas le droit de déranger
celui qui veut travailler, car nous sommes en classe pour
cela.
J'aborderai maintenant le problème
de l'apprentissage de la lecture.
Notre langue est syllabique. La
meilleure méthode est la méthode syllabique. Si vous choisissez
cette méthode, vous pouvez, dès que l'enfant commence à
parler, faire de petits exercices oraux très courts qui
le prépareront à la lecture. Ceci permettra d'améliorer
l'écoute et la prononciation.
Choisir cette méthode ne signifie
pas que vous n'aurez aucune difficulté, car notre belle
langue est difficile, mais c'est avec l'apprentissage syllabique
que vous en aurez le moins.
Les méthodes globales et semi-globales
sont catastrophiques pour beaucoup trop d'enfants. Bien
sûr, de nombreux enfants ont pu apprendre à lire avec ces
méthodes, mais un trop grand nombre d'élèves ont vu leur
futur compromis voire brisé.
Certes, vous pourriez me dire que
les méthodes globales et semi-globales utilisent conjointement
des exercices syllabiques, qu'il existe des méthodes mixtes
et qu'il est fort utile d'utiliser un répertoire de mots
clés, appris globalement afin de pouvoir lire rapidement
de petits textes intéressants. A cela, je répondrai que
vous prenez vos désirs pour ceux de l'enfant. L'enfant sait
très bien, quand il rentre le premier jour de classe, fier
d'emporter son livre de lecture avec lui à la maison, qu'il
va réciter la phrase écrite sur le livre et non pas la lire.
L'enfant qui rentre au cours préparatoire
est beaucoup plus patient que l'adulte qui s'occupe de lui.
Il veut juste apprendre à lire. Vous êtes pressé de le voir
lire, mais lui est moins pressé que vous. Vous confondez
vitesse et précipitation. Il préfère, au tout début, lire
une petite phrase "bébête" où il peut lire chacun des mots
plutôt que de réciter une jolie phrase apprise par cœur.
En utilisant la méthode syllabique,
le départ est lent, mais c'est le départ correct. Plus vous
avancez plus cela ira vite.
Le livre de lecture Bien lire et
aimer lire de Clotilde Silvestre de Sacy a le mérite de
respecter l'enfant au moyen d'un apprentissage progressif
où aucune phrase ne contient de mot que l'enfant doit deviner
globalement. L'enfant ne va pas rencontrer de mots contenant
des sons qui n'ont pas été étudiés auparavant.
De plus l'excellente idée qu'a eu
Madame Borel-Maisonny de créer une méthode phonétique et
gestuelle permet à ceux qui ont des difficultés de s'aider
des gestes, habitude qu'ils abandonnent dès que celles-ci
disparaissent.
Ce livre a cet immense mérite de
respecter l'élève en lui permettant d'avancer d'un pas sûr
sur le chemin de la lecture.
Ce livre est un très bon livre, ce
n'est pas un livre parfait.
Une bonne méthode est une méthode
qui doit permettre à une grosse majorité de réussir, et,
si besoin est, de pouvoir s'adapter à ceux qui sont en difficultés.
Elle doit proposer des exercices appropriés à chaque difficulté
rencontrée en se servant des bases sur lesquelles repose
cette méthode. Aucun livre ne pourra correspondre aux différents
cas particuliers. Il se trouvera toujours un petit nombre
d'élèves pour lesquels le livre n'est pas adapté. C'est
alors à l'enseignant de créer des fiches "sur mesure". Je
sais, malheureusement, que ce n'est pas toujours possible
de le faire, par manque de temps.
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